La tête et le cou : histoires de femmes russes. Maureen Demidoff. Editions des Syrtes, 04/2017. 214 p. 15 €

         L'auteur interviewe 14 femmes russes, qui ont entre 75 et 28 ans. Elles racontent leur adolescence, la vie dans la société soviétique, le choc de l'ouverture à l'ouest et ses conséquences pour les plus âgées ; les plus jeunes, qui n'ont connu la perestroïka que par le récit de leurs aînées, évoquent la vie sous Poutine. Les hommes sont très présents dans leurs témoignages, bien plus que dans leurs vies, car toutes font état de la démission sociale et affective du père, du mari ou du fils.

         On entre dans la société russe par la petite porte : certes, ces femmes ne peuvent occulter l'Histoire et les profondes mutations du système politique russe, mais si les plus âgées décrivent assez précisément leur vie sous le régime soviétique, l'important réside surtout dans leurs histoires, ce qu'elles disent de leurs relations avec les hommes, de leurs attentes, de leurs déceptions aussi. Elles veulent toutes, ou presque, un homme fort et autoritaire, incarné par Wladimir Poutine, qui représente "la personnification de la masculinité" dit le psychanalyste Mikhaïl à la fin de l'ouvrage. Poutine, que l'Occident trouve froid et dur, fascine ces femmes à forte tête, féminines jusqu'au bout de leurs ongles manucurés, ces femmes qui ont finalement du couple une vision assez conventionnelle et pragmatique – jamais d'ailleurs, dans aucun de ces témoignages, il n'est question d'amour.

         Un certain nombre d'entre elles livrent leur vision de la société russe : elles déplorent toutes la confusion qui a suivi les années Gorbatchev, et admirent Poutine qui a su redresser le pays. A l'exception d'une seule, qui critique le système actuel, peut-être parce que ses études à l'étranger lui ont donné le recul suffisant et nécessaire pour le faire. C'est sans doute cette foi en Poutine, ainsi que cette nostalgie exprimée par les plus anciennes, des années soviétiques où chacun avait un emploi et où le Parti régissait la vie des citoyens, qui sont les plus étonnantes dans ces récits.

         Des récits surprenants et intéressants, auxquels les deux postfaces rédigées par un psychanalyste et une historienne donnent un éclairage et une dimension synthétique bienvenus.

         Un bémol, plusieurs fautes d'orthographe difficilement admissibles : "Ne dit jamais…" (p.25) ; "Nous avons chanté et ris" (p.41) ; "l'éducation que donne les mères" (p.176) ; "une réponse toute faîte" (p.193) ; "réaliser ses différents projet" (p.213).

         Documentaire lu dans le cadre du Prix Littéraire des Lectrices de Elle 2018.

 

 

Catégorie : Divers

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Posté le 07/09/2017 à 16:00