Une histoire des loups, Emily Fridlund. Gallmeister, 08/2017 (Nature Writing). 294 p. 22,40 €

Un coin perdu du Minnesota. Madeline, surnommée Linda, vit avec ses parents dans une cabane retranchée au milieu des bois. C'est une adolescente un peu sauvage et solitaire, qui se met à observer ses nouveaux voisins qui viennent d'emménager de l'autre côté du lac. Elle sympathise assez rapidement avec Patra, la mère, et son fils Paul, âgé de 4 ans, dont elle devient la baby-sitter, et passe d'autant plus de temps avec eux que le père, Léo, n'est pas là, requis par ses travaux de recherche en astronomie. Cependant, elle se rend compte assez vite qu'il y a dans cette famille quelque chose d'étrange, notamment chez Paul qui, malgré son âge et son intelligence évidente, est élevé comme un bébé. Linda sent le malaise qui grandit lorsque Léo arrive...

L'histoire se déroule sur quelques mois, débutant à la fin de l'hiver pour s'achever dans la touffeur de l'été. La nature est omniprésente et presque envahissante, et tout semble receler une menace cachée : la forêt est à la fois paisible et dangereuse, l'eau du lac dort mais elle produit des vagues et du courant, les conditions météorologiques sont plus qu'extrêmes. Linda semble s'accommoder de tout cela et nullement gênée par les 8 kilomètres quotidiens qu'il lui fait parcourir pour se rendre au lycée dans la neige épaisse et le froid ; élevée à la dure, elle ne semble pas particulièrement sensible à cette menace permanente que l'auteur rend présente à chaque page. Selon elle, les loups ne sont pas dangereux et n'attaquent pas l'homme. Est-ce pour cette raison qu'elle n'a pas saisi le malaise qui règne dans la famille de Paul, dont le lecteur se demande très vite s'il n'est pas victime de maltraitance ? Elle semble le deviner, sans en être consciente, ce qui explique qu'elle ne soit pas intervenue particulièrement quand la santé du petit garçon a commencé franchement à se détériorer.

Cette ambiance inquiétante est donc parfaitement rendue. En revanche, l'histoire est racontée de façon décousue, au gré des souvenirs de Linda, qui passe de l'époque de ses 15 ans où elle a fréquenté Patra et Paul, à l'âge adulte où, après ses études, elle vit en ville ; en plus de ces chassés croisés entre présent et passé, au sein même de chaque époque, la narration brise la continuité, perd le lecteur. Cette perte de repères s'accompagne d'une présentation incomplète des personnages, qui apparaissent de façon pointilliste : il est difficile de se faire une idée claire de chacun. On suppose une influence probable de la religion : les parents de Madeline/Linda sont des anciens d'une communauté hippie, vivant retranchés du monde, dans un confort très relatif, et sa mère récite des passages entiers de la Bible ; Patra et Léo semblent eux aussi faire partie d'une église extrémiste, ce qui expliquerait qu'ils n'aient pas prodigué à leur enfant les soins nécessaires. Le tout donne l'impression d'épisodes brouillés par la brume, celle du lac et des souvenirs de Linda. Nul doute que ce rendu soit volontaire, mais on sort de ce récit un peu perdu et l'esprit embrouillé, comme au sortir d'un rêve de grands lacs et de forêts sombres où avancerait la silhouette de Linda, accompagnée de ses quatre chiens.

 

 

Catégorie : Littérature étrangère

grands espaces / Etats-Unis /

Posté le 14/01/2018 à 18:28