Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier. Minuit, 09/2020. 635 p. 24 € ****

         Aux Trois Filles Seules, hameau de La Bassée, vit la famille Bergogne : Patrice, agriculteur, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi que Christine leur voisine, artiste peintre. On s'apprête à fêter les 40 ans de Marion. Tout le monde est mis à contribution : Ida a fait des dessins, conseillée par Christine qui s'attelle aux gâteaux, tandis que Patrice s'est chargé de la décoration et de la préparation du repas. Mais d'étranges individus s'invitent à la fête et menacent tout le monde…

         Malaise et non-dits règnent dans le hameau. On sent chez Christine une réelle hostilité envers Marion, et si elle lui cuisine trois gâteaux, c'est moins en son honneur que pour faire plaisir à la petite Ida qu'elle adore. Et puis il y a ce couple un peu bancal, rencontré via les réseaux sociaux, mal assorti, Patrice qui se trouve gros et se demande ce qui a pu décider la belle et séduisante Marion à accepter de l'épouser, Patrice qui voudrait lui dire sa tendresse mais doit taire son désir pour le satisfaire de temps à autre dans des relations tarifées. Quant à Marion, elle reste insaisissable et mystérieuse, comme venue de nulle part avec le secret de sa vie d'avant. Arrivent alors les frères, Christophe, puis Bègue, et enfin Denis. Se met en place un huis clos étouffant dans un coin perdu de campagne où personne n'arrive par hasard, dans une tension qui va crescendo, à mesure des longues phrases de Laurent Mauvinier qu'on serait tenté de lire d'une traite, comme en apnée, avant d'arriver au point pour pouvoir reprendre son souffle. Il faut prendre le temps et laisser faire pour s'habituer à ces phrases qui semblent suivre le cours de la pensée de chacun des sept personnages et nous faire connaître leurs désirs contrariés, leurs traumatismes et leurs ressentiments. Ces 635 pages et les méandres de leurs mots racontent quelques heures d'une tension grandissante, savamment orchestrée, jusqu'à un dénouement tragique et implacable.

 

Catégorie : Littérature française

campagne / huis clos / famille / vengeance /


Posté le 30/11/2020 à 11:38