L'abandon du mâle en milieu hostile, Erwan Larher. J'ai Lu, 07/2019. 251 p. 7,10 € *****

         Dijon, 1977. Le narrateur, lycéen bien comme il faut, raie sur le côté, lunettes et boutons d'acné, tombe en amour pour une jeune femme aux cheveux verts et aux épingles à nourrice, qui hélas ne s'intéresse guère à lui. N'importe, il est opiniâtre et prêt à tout pour la remettre dans le droit chemin et qu'elle lui accorde son attention, y compris à aller pogoter à un concert des Béru ou l'accompagner fidèlement dans des rades dijonnais dont il n'avait jusqu'alors jamais soupçonné l'existence. La persévérance s'avère payante puisque la punkette finit par lui proposer une colocation pendant leurs études, de lettres pour qu'elle mène brillamment tout en écrivant un roman, et de droit pour lui, qui finit tout de même par abandonner le groupe des Jeunes Libéraux dont il faisait partie depuis des années. Le couple tient bon, malgré des absences de plus en plus fréquentes de la jeune femme qui se rend régulièrement à Paris où elle travaille pour un éditeur. Il faudra bien que j'en parle, répète le narrateur dont on sent qu'il veut encore rester dans la chaleur de ces quelques années partagées, il faudra bien que j'en parle répète-t-il tout en continuant d'évoquer ses souvenirs, non sans humour et tendresse. Il faut bien qu'il en parle et quand il se décide, le récit bascule alors dans une toute autre ambiance. Adieu concerts et musique punk, plats maison et séances érotiques, ne restent plus que la surprise, le choc, le chagrin et la perte de tous les repères. Qui était-elle ? Qu'était-il pour elle ? L'a-t-elle vraiment aimé ou manipulé ? Connait-on vraiment la personne qu'on aime ? Les questions restent sans réponse dans une deuxième partie sombre, bien loin de l'insouciance et de la drôlerie des débuts, et le portrait d'une génération qui aimait Sid Vicious et David Lynch, vivait sans portable et avait fêté la victoire de Mitterrand contre VGE. C'est là un des points forts de ce roman, outre sa qualité littéraire indéniable : ce contraste entre des deux périodes, l'avant et l'après, et la question du droit à continuer à vivre, ensuite, quitte à se sentir un peu lâche, "accepter de continuer en se rendant compte que finalement, ce n'est pas si insurmontable, que nul n'est irremplaçable.". Un excellent roman offert par Manue Rêva, mon binôme des 68 premières fois, que je remercie vivement pour cette découverte.

 

Catégorie : Littérature française

punk / amour / couple / deuil /


Posté le 30/11/2020 à 11:39