Over the rainbow, Constance Joly. Flammarion, 01/2021. 175 p. 17 € *****

Jacques et Lucie se rencontrent dans les années 60. Ils sont jeunes et beaux, cultivés, avides de voyages et de découvertes. Ils s'installent à Paris, se marient, puis ont une petite fille, Constance. Mais Jacques n'est pas heureux depuis longtemps, avant même l'arrivée de sa fille. Vivre à Paris lui permet de comprendre, puis d'accepter le fait qu'il aime les hommes. Il se décide enfin à vivre comme il l'entend, quitte Lucie et rencontre Ivan, avec lequel il va vivre durant de longues années. Le temps passe, la petite fille grandit et devient une femme. Les années 80 voient l'apparition du sida, qu'on appelait encore à l'époque le "cancer des homosexuels". Jacques n'échappe pas à la contamination et décède quelques années plus tard. Devenue cinquantenaire, l'auteur rend hommage, dans ce roman autobiographique, à un père parti trop tôt, elle raconte le manque et le deuil, la maladie et le chagrin.

Constance est toute jeune encore quand ses parents se séparent. Elle prend les choses comme elles viennent, sans porter de jugement ni de rancune envers son père alors même qu'elle voit sa mère plonger dans une profonde dépression ; elle s'attache au compagnon de son père avec un naturel assez déconcertant – il faut dire aussi qu'on ne lui explique pas grand-chose de la situation. Mais à l'adolescence, il est compliqué d'avouer à ses amis que son père est homosexuel, en témoigne la scène où c'est Ivan et non son géniteur qui vient la chercher à la fin d'une soirée, déclenchant chez la jeune fille une gêne dont elle va peiner à se remettre. Constance ne craint pas de l'avouer : si elle a accepté l'homosexualité de son père dans l'intimité avec une facilité apparente, c'est socialement plus difficile. Est-ce pour cette raison qu'elle fait preuve d'une sorte d'égoïsme quand elle s'occupe de son père malade et affaibli ? Elle raconte sans fard sa peur de la contamination, son refus d'évoquer la mort prochaine, son besoin parfois de s'éloigner de lui, son agacement quelquefois, et son regret d'avoir choisi sa jeunesse plutôt que de profiter des derniers moments. Malgré tout, une profonde tendresse émaille tout ce récit à la fois pudique et pourtant si intime, comme pour donner aux choses la possibilité d'être encore : "J'écris pour ne pas tourner la page. J'écris pour inverser le cours du temps. J'écris pour ne pas te perdre pour toujours. J'écris pour rester ton enfant."

 

Roman lu dans le cadre des "68 premières fois"

 

Catégorie : Littérature française

homosexualité / famille / père / maladie / mort / deuil / hommage /


Posté le 01/02/2021 à 17:57