2022/31 Le voyant d'Etampes, Abel Quentin. L'Observatoire, 10/2021. 380 p. **

Jean Roscoff, professeur retraité d'histoire à l'université, décide de se consacrer à la rédaction d'un essai sur Robert Willow, un poète américain installé en France à l'époque de Sartre, du Castor et de Saint-Germain-des-Prés.  Divorcé, alcoolique, nostalgique de ses années de militant à SOS Racisme, il parvient tout de même au bout de son projet et à le faire éditer. La soirée de lancement de l'ouvrage a lieu dans un obscur petit bar militant parisien, où le public se limite à quelques personnes, dont un blogueur qui poste le lendemain un article reprochant à Roscoff d'avoir sciemment occulté le fait que Willow était noir.

Voilà notre universitaire plongé dans les affres des réseaux sociaux, des hashtags et des commentaires d'autant plus cruels qu'ils sont protégés par l'anonymat des pseudos. L'idée n'est pas mauvaise, et Abel Quentin a un talent certain pour dénoncer les dérives du fourre-tout d'internet, ainsi que les mouvements identitaires qui s'y développent, notamment grâce au personnage de sa fille, homosexuelle militante et probablement sous la coupe de sa compagne. Mais le récit traîne et se noie dans les détails. Le diable s'y cache dans doute, à vouloir trop bien faire, à aborder de multiples thèmes – outre ceux pré-cités, on y trouve aussi le fait d'avoir plus ou moins raté sa vie, la réussite financière de son meilleur ami, son mariage raté, sa fille qui le provoque… - dans une prose savante, cependant émaillée par des fautes d'orthographe surprenantes : "son auteur fétiche, dont le nom m'était vaguement familier, et qu'elle qualifia de "compliquée"[sic] et "touchant" (p.92) ; deux pages plus loin : "le récit d'une personne qui s'est faite amputer d'un bras" ; p.160 Roscoff se relève à 3 heures du matin "pour aller chercher un 1664 dans le frigo" ; enfin un usage curieux de la répétition : "Arrivés à la cinquantaine, la peau ravinée par les plaisirs, la peau creusée et ravinée…" (p. 179). Certes, certaines scènes sont drôles et font mouche, mais cela ne suffit pas à rendre le récit digeste, que j'ai trouvé nombriliste et bavard, bien loin du regard juste et acéré de Sœur. La répétition maladroite de la page 179 a eu raison de ma patience.

 

Roman lu – partiellement – dans le cadre des "68 premières fois".

 

Catégorie : Littérature française

poésie / édition / communautarisme /


Posté le 09/05/2022 à 17:50