2023/8 Les années glorieuses tome 2 : le silence et la colère, Pierre Lemaître. Calmann Lévy, 01/2023. 579 p. 23,90 € *****

Paris, février 1952. François Pelletier, journaliste au Journal du soir, travaille sur l'affaire Mary Lampson, sans savoir que c'est son frère Jean le meurtrier. Lequel en a des sueurs froides, alors que son grand magasin doit bientôt ouvrir et que rien n'est prêt. Quant à leur sœur Hélène, elle est envoyée par le rédacteur en chef sur le front d'une bataille entre la compagnie d'électricité qui s'apprête à engloutir un village sous les eaux d'un barrage et les habitants. En parallèle, Louis Pelletier, le père, sponsorise à Beyrouth un boxeur outsider, et un inspecteur de police traque les responsables d'avortements clandestins, auxquels Hélène et Nine, la fiancée de François, vont être mêlées...

Conditions de travail des ouvriers déplorables, hygiène insuffisante, répression contre les avorteurs et les avortées, droits des femmes ignorés, les années glorieuses portent bien mal leur nom. Ce deuxième tome de la quadrilogie a des allures de roman social, notamment dans la création et l’ouverture de Dixie, sorte de Taty avant l’heure, qui fait un clin d’œil au Bonheur des Dames de Zola. Mais, parce qu’il est aussi question des histoires dans l’Histoire, sous la plume agile, parfois caustique de Pierre Lemaître, le roman fait la part belle aux aventures de la famille Pelletier, dans laquelle s’opposent notamment deux figures de femmes : celle de Jean, Geneviève, enceinte jusqu’au cou, virago insupportable et mère maltraitante, tyran domestique contre lequel son mari n’ose se rebeller – quitte à, parfois, forcer un peu le trait - ; celle d’Hélène, à la fois douce et indépendante, empathique et fière, qui suscite autant la sympathie que sa belle-sœur la répulsion ou le ridicule.

Et comme il n’est pas d’histoire sans drame, les aventures des Pelletiers se construisent sur les maux de l’existence. Il y a le silence pour les cacher : Nine qui entend mal et a tu ses secrets à François, les enfants dont on ne veut pas, les motivations de l’ingénieur Destouche chargé de faire évacuer le village. Et la colère : celle des ouvrières en grève, celle des habitants de Chevrigny qui refusent de voir détruit tout leur cadre de vie, incarnés par Petit Louis au visage lunaire, celle d’Hélène et de toutes les femmes qui devront encore attendre vingt ans avant de pouvoir enfin disposer de leur corps.

 

Catégorie : Littérature française

1950 / France / journalisme / droit des femmes / avortement / famille / roman social /


Posté le 15/03/2023 à 17:32