San Perdido, David Zukerman. Calmann-Lévy, 01/2019. 411 p. 19,90 € *****

Panama, décharge de San Perdido, 1946. Un étrange enfant noir arrive un jour de la forêt pour s'installer en face de chez la vieille Felicia qui se prend d'affection pour ce jeune garçon muet au regard si bleu, doté de pouvoirs étranges : une force prodigieuse dans des mains trop grandes pour son corps malingre, et capable de lire dans les esprits.

Ce roman raconte l'histoire de Yerbo Kwinton, présenté dans les premières pages comme un personnage légendaire sur lequel on raconte tout et n'importe quoi, qui incarne à la fois l'instrument de la vengeance des Cimarrons, ces anciens esclaves sous le joug des Espagnols, dont leurs descendants vivent dans la forêt des abords de San Perdido ; il devient également, grâce à ses dons, un justicier qui défend le peuple et se bat contre la corruption. Kwinton n'est cependant pas un "héros au cœur pur", une figure totalement positive : s'il défend la veuve et l'opprimé, il fait également preuve de cruauté quand il tue. On est loin d'un simple manichéisme, en témoignent les nombreux personnages qui croisent la route de Kwinton : certes, les gouverneurs sont mauvais, égoïstes, corrompus jusqu'à la moelle, mais Madame qui dirige sa maison close et le médecin qui va soigner ses filles ne sont pas dépourvus d'un certain arrivisme, tout comme d'autres personnages qui hantent les bas-fonds de San Perdido, tâchant surtout de survivre comme ils le peuvent. Ils sont nombreux, on pourrait se perdre dans cette fresque de violence, mais le récit est remarquablement construit et concourt très logiquement au dénouement qui donne à Kwinton sa dimension épique.

 

Catégorie : Littérature française

Panama / pauvreté / corruption / meurtre / initiation /


Posté le 11/04/2019 à 10:39