Femme à la mobylette, Jean-Luc Seigle. Flammarion, 08/2017. 198 p. 19 €

Reine est au chômage et survit comme elle peut, seule avec ses trois enfants dans un pavillon délabré. L'horizon semble être bien sombre pour elle, d'autant plus que son ex-mari est prêt à tout pour lui retirer la garde de ses enfants. Jusqu'au jour où elle trouve une mobylette bleue parmi la ferraille qui jonche son jardin... Cet engin des années 60, encore capable de rouler, lui permet de trouver un emploi comme thanatopracteur. C'est le premier miracle. Le deuxième, c'est lorsque la mobylette tombe en panne et que Reine est secourue par un chauffeur routier d'origine hollandaise, Jorgen. Ils éprouvent aussitôt tous deux une attirance intense et irrésistibles, et se retrouvent régulièrement sur le parking pour des étreintes clandestines au cours desquelles Reine réapprend à aimer...

Quelle rencontre improbable que celle de cette mère de famille dévouée et complexée avec cet étranger du Nord dont on pressent très vite qu'il a eu une autre vie avant de parcourir les routes jusqu'en Espagne ! Pourtant l'amour est là entre ces deux êtres, immédiat et absolu, qui franchit les barrières de la langue et des classes sociales. Pour passionnée qu'elle soit, la relation n'emporte pas la raison de Reine qui, jusqu'au bout, pense à ses enfants. Cramponnée au guidon de sa mobylette, cette femme admirable de courage avance, têtue, dans son amour et dans la vie, avec au bout l'espoir fou de pouvoir, enfin, être heureuse. Elle est belle, Reine, sous les yeux et sous les mains de Jorgen, qui rêve de la peindre – quel tableau il fait de cette femme à la mobylette, qui devient tout à la fois modèle et égérie de l'ancien artiste !

Le récit est beau et sensible, dans la description du personnage de Reine évidemment, dans l'amour qu'elle porte à ses enfants, dans celui tout récent pour Jorgen, dans celui qu'elle donne aux autres en accomplissant, à travers ses "tissanderies", des petits miracles. Portée par une belle écriture, l'histoire ne peut que toucher le lecteur, que je mets au défi de ne pas verser de larmes à son épilogue.

Jorgen fait déguster à Reine une mixture coloniale traditionnelle, comme on la buvait au 17ème siècle. "Il veut avant tout lui fabriquer un souvenir pour les siècles à venir, pour que plus jamais elle ne boive ce nectar préparé à l'eau bouillante sans que tous ses sens ne frissonnent de cette éternité. Ce jour où le siècle de Rembrandt est entré dans la cabine du camion, pour se fondre avec l'odeur de cuir des sièges, le paysage de l'aire de repos, le silence que le chant des oiseaux étend autour d'eau comme un linge pour les protéger, la lumière du matin, les mains de Jorgen et ses baisers d'homme sur son corps de femme."

 

 

Catégorie : Littérature française

famille / amour / moeurs /

Posté le 21/11/2017 à 17:34