Les larmes noires sur la terre, Sandrine Collette. Denoël, décembre 2016 (Sueurs Froides). 334 p. 19,90 €

         Moe vit à Haïti. Jolie, souriante, elle rencontre Rodolphe, qui lui propose de rentrer avec elle à Paris. Elle a vingt ans, et découvre la France pavillonnaire, la pluie, la misère, le mépris, les humiliations, les coups. Au bout de six ans, et devenue maman d'un petit garçon, elle s'enfuit, et s'installe chez une amie, laquelle lui fait comprendre assez vite qu'elle l'encombre. Les voilà à la rue, son petit et elle, et bientôt amenés de force dans un centre d'accueil pour SDF, "La Casse". En effet, le centre est installé dans une ancienne casse automobile, où chaque personne est logée dans un véhicule hors d'usage. Moe a la chance d'être installés dans un quartier de cinq femmes, dirigé par Ada, la vieille afghane qui grâce à ses remèdes est respectée par tous, et fait régner entre elles la solidarité et l'amitié. Elle y trouve une relative sécurité, un moyen de survivre avec son fils, et monte le projet de partir dès qu'elle aura pu mettre de l'argent de côté pour son billet de retour en Haïti. Mais on ne quitte pas La Casse si facilement : le droit de sortie est de 15000 euros par personne, et le salaire de misère que gagne Moe aux travaux des champs ne lui permettra jamais de réaliser son rêve. Elle va devoir trouver d'autres moyens…

         C'est une histoire dure que celle de Moe et de ses cinq compagnes d'infortune. Chacune à son tour raconte son propre chemin qui l'a conduite jusqu'à La Casse. Aucune n'échappe au sordide, ce qui rend sans doute leur complicité et leurs rires, malgré le terrible quotidien dans cette décharge à ciel ouvert, si poignants. Ces femmes survivent dans un monde hostile, glanent de l'argent, se débrouillent pour échapper à la convoitise des hommes et à la cupidité des gardiens, au milieu de la corruption et des trafics en tout genre, en tâchant de garder une sorte de moralité qui les sauve de la dépravation complète. Sauf Moe qui, entraînée par Nini-Peau-de-Chien, découvre le moyen de gagner un peu plus et, par là, de se rapprocher de la liberté. Elle va le payer cher.

         L'histoire est dure donc, illustrée par certaines scènes à la limite du soutenable. C'est cru, comme le style de Sandrine Collette : les phrases se télescopent comme les pensées des personnages, c'est violent, rapide, haletant parfois, doux pourtant quand Ada, Jaja, Nini, Poule, Marie-Thé et Moe boivent le thé à la menthe autour de le feu de camp. Ames sensibles,  oubliez à la lecture toute la littérature des bons sentiments qui n'ont pas de place dans le monde de La Casse, sauf entre ces femmes menées par la vieille Ada, personnage angulaire de ce récit.

 

Catégorie : Romans noirs

mœurs / social / amitié /

Posté le 17/05/2017 à 09:03