Le chant de la Tamassee, Ron Rash / trad. de l'anglais. Points, 02/2017. 25 p. 7 € *****

Ruth Kowalsky, 12 ans, se noie dans la Tamassee, rivière de Caroline du Sud. Son corps se coince sous un rocher. Le père de la victime demande l'installation d'un barrage amovible pour détourner le cours de l'eau vers la rive droite et récupérer le corps de sa fille, contre l'avis des gens du cru qui connaissent le danger encouru. Une guerre s'engage alors avec les écologistes locaux, qui s'appuient sur la loi fédérale interdisant à quiconque de perturber l'état naturel d'une rivière qui a obtenu le label "sauvage". Très vite, le fait-divers prend une dimension nationale, et une jeune photographe de presse, Maggie, native du comté où se joue le drame, est chargée de couvrir les événements. Mais comme beaucoup, elle s'interroge sur ce choix cornélien entre la protection de la nature et le deuil d'un enfant...

Ce n'est pas sa seule interrogation, d'ailleurs. Maggie est attirée par son collègue grand reporter chargé de couvrir l'événement avec elle. Allen est porteur d'un passé douloureux dont elle ne sait que faire. Peut-elle se laisser aller à le séduire ou à se laisser séduire, alors qu'elle-même porte les stigmates – le mot n'est pas que métaphorique – d'une enfance blessée qui l'a conduite à s'éloigner de son père désormais malade ? Comme souvent chez Ron Rash, la nature est mêlée de façon inextricable aux personnages : ceux-ci sont en proie à des tourments intérieurs qui abondent sous la surface et finissent par ressurgir, alors qu'en surface la mort d'une enfant devient l'enjeu d'un conflit écologique et politique. En toile de fond, la Tamassee cristallise tous les avis : elle est frontière de deux états,  et symbole de la défense d'une nature mise à mal par les prétentions humaines. On pourrait la croire inoffensive ou tout du moins domptable par l'homme, mais c'est une eau vive aux méandres dangereux, qui abrite dans ses profondeurs des courants mortels.

 

Catégorie : Littérature étrangère

Etats-Unis / nature / écologie / deuil / famille /


Posté le 17/03/2021 à 10:52