Le cœur à l'échafaud, Emmanuel Flesch. Camann-Lévy, 01/2021. 286 p. 18,90 € ****

         Walid Z., 26 ans, ancien étudiant de Sciences Po où il est entré grâce au programme de la "discrimination positive", comparaît devant la cour d'Assises de Paris. Accusé de viol par Claire K., la femme de son directeur de recherches, il risque la peine de mort par décapitation. A la barre, les témoignages se succèdent, tandis que les proches et les connaissances de l'accusé prennent la parole pour construire un récit terrifiant où l'on comprend que l'extrême-droite a pris le pouvoir...

         Pour un jeune homme d'origine maghrébine et issu des quartiers, l'entrée à Sciences Po est la garantie de l'ascension sociale et d'une carrière réussie, et d'une sorte de revanche. Mais Walid va vite déchanter : malgré sa réussie scolaire, il reste l'Arabe de service peu fréquentable. Son travail acharné n'efface pas les humiliations, celles subies dans l'école prestigieuse, et celles qui sont les conséquences des décisions gouvernementales : Walid, désormais considéré comme un "octroyé", bien différent d'un "Français de souche", est contraint de changer de nom et, au terme de fastidieuses procédures administratives, doit se faire appeler William ; lorsqu'il a rencontré les K., parents de sa copine, il a été en butte au racisme affiché de celle qui va ensuite l'accuser. Alors il a beau s'appeler William et avoir été un étudiant brillant, il n'en demeure pas moins qu'il risque sa tête, puisque selon les nouvelles directives gouvernementales, le viol est puni de peine de mort, "lorsqu'il est commis par une personne agissant sous l'impulsion d'un racisme anti-français". Walid endure ainsi un procès – dirigé par un juge qui expédie les séances pour épargner sa phlébite – au cours duquel on ajoute à l'humiliation la lecture publique de son journal intime et une stratégie de défense absolument pitoyable. L'argument parole contre parole ne vaut pas, puisque la plaignante est, elle, de souche parfaitement française. C'est à petites touches, dans le vécu de chacun des nombreux personnages de ce roman choral – jurés, victime, universitaire, petite amie, avocat, juge, et l'accusé lui-même – que se dessinent les contours d'une société tout à fait plausible, qui met en place la préférence nationale, et qui fait froid dans le dos.

 

Catégorie : Littérature française

justice / viol / peine de mort / procès /


Posté le 19/02/2021 à 14:14