Mise à feu, Clara Ysé. Grasset, 08/2021. 192 p. 18 € *****

         Un soir de Nouvel An, un incendie ravage la maison où vivent Nine et Gaspard, avec leur mère l'Amazone et la pie apprivoisée Nouchka. L'Amazone dépose les enfants et la pie chez son frère, un homme peu amène surnommé le Lord, tandis qu'elle va restaurer, quelque part dans le Sud, la maison où elle les accueillera. Le frère et la sœur grandissent et lient amitié avec Quentin, le fils du Lord, tandis que leur mère leur raconte les longs travaux de la maison. Les années passent…

         Quelle est donc cette mère, qui écrit régulièrement à ses enfants, pendant si longtemps, sans que jamais elle ne propose de date de retrouvailles ? Malgré le manque qu'ils ont d'elle, la question ne semble pas hanter Nine et Gaspard – contrairement au lecteur -, qui veillent surtout, avec leur cousin, à contrer la malveillance du Lord. De lui, on saura peu de choses, si ce n'est qu'il incarne le mal. Face à lui, la candeur de l'enfance, puis la révolte de l'adolescence, et la présence tutélaire d'un oiseau capable de communiquer avec Gaspard. Servi par une belle plume, ce récit distille quelques éléments de merveilleux et fait la part belle à la musique, comme pour illustrer l'absence de cette mère fantasque que Nine espère tant retrouver. Un très beau roman initiatique qui traite avec délicatesse de la perte et des relations fraternelles.

         Roman lu dans le cadre d'une "Masse critique" de Babelio.

 

Catégorie : Littérature française

famille / abandon / relations frère-sœur /

 

"Le père crispait les poings. Obsédé par la conduite de son fils, il oubliait la posture qu'il adoptait d'habitude pour montrer patte blanche, celle où son corps se repliait sur lui-même pour donner une sensation de fragilité qui sonnait faux. C'était comme si, assis devant un chiot, on entendait résonner une quarte augmentée, le triton, l'accord du diable qui frotte dans l'ouverture de Don Giovanni, et le chiot se transformait alors en chien, en cheval, en hyène, en homme blessé et violent. Le père et le fils, aux traits apparemment semblables, étaient mus par des cours si différents que l'un me coupait le souffle que l'autre l'élargissait." (p.111).


Posté le 30/08/2021 à 19:21