Revenir fils, Christophe Perruchas. La Brune au Rouergue, 08/2021. 279 p. 20 € ***

Depuis la mort de son père dans un accident de voiture, le narrateur, collégien de 14 ans, vit seul avec sa mère. Atteinte du syndrome de Diogène, elle développe des manies, ne jette rien et accumule de multiples objets dans la maison. Elle se replie dans un monde imaginaire où son premier enfant, décédé tout petit, revient à la vie. Son fils, lui, grandit et essaie de vivre malgré la folie progressive de sa mère. Celle-ci doit être hospitalisée, tandis le jeune garçon est placé chez son oncle et sa tante. Vingt ans plus tard, marié, père de deux enfants, il retourne dans la maison maternelle…

Comment composer avec l'inéluctable, avec cette lente et fatale progression de la maladie mentale qui vient nier l'existence du fils au profit d'un fantôme ? Le narrateur assiste impuissant à cette inexorable déliquescence, tandis que s'amoncellent cartons, bouteilles vides, boîtes de Nesquick dans une maison où il n'a plus sa place. Il porte en lui cette blessure terrible, cet abandon, qui le conduit à revenir vers elle. Pour la mère, c'est son Jean qui est de retour, son bébé grandi, devenu homme. Aussi ne s'étonne-t-elle pas de ce qu'il s'installe chez elle, parmi l'amoncellement d'objets entassés, parmi la crasse, la poussière et la puanteur. Et lui, il jette, trie, casse, fouille, et se fait une place, enfin. Et puis, il se laisse peu à peu contaminer par la folie maternelle. Christophe Perruchas ne nous épargne rien, ni les questions du narrateur sur son couple, ses brusques envies sexuelles, ses cuites et ses épisodes masturbatoires ; il y a là dedans quelque chose de pervers, à ne rien nous cacher, quelque chose qui s'expose sans fard, et la revanche du fils. C'est parfois drôle, dérangeant, souvent cru, sans que l'on sente une once de compassion, ni du narrateur pour la vieille femme dépenaillée, ni de l'auteur pour son protagoniste. Après le harcèlement au sein de l'entreprise, Christophe Perruchas s'attaque à la thématique de la maltraitance familiale, et si l'écriture est ciselée et percutante, j'ai été gênée par la crudité des propos et le manque d'empathie pour les personnages.


Catégorie : Littérature française

famille / folie / maltraitance / vengeance /



 

"C'est quand le silence est devenu long qu'on a regardé à nouveau à la fenêtre. Le fils avec le sécateur, Marc, une grande faucille à la main et Abdel qui tirait une rallonge pour brancher le taille-haie.

Déjà les deux autres avaient commencé leur bataille, petits cris guerriers, contre la haie, l'ennemi ultime.

La faucille comme une machette, combat d'épée, fer contre vois, le sécateur, un gros, solide, qu'on tenait de papi, s'occupait des grosses branches. Menaces théâtrales, exécution sommaire.

Et l'appareil électrique entrait à son tour dans la danse, au bout de son fil, qui portait dans son grincement l'effrayante promesse des destructions à venir.

Sombre gigue." (p.70)

Posté le 04/10/2021 à 18:21