Nature humaine, Serge Joncour. Flammarion, 08/2020. 398 p. ****

         Une ferme du Lot, dans les années 80, où vit la famille Fabrier. Agriculteurs depuis trois générations. A 15 ans, Alexandre est le seul de la fratrie à envisager de prendre la succession des parents : tout repose sur ses épaules, puisqu'aucune de ses trois sœurs n'a envie de continuer à vivre à la ferme, dans un quotidien rythmé par les travaux agricoles et le JT du 20 heures ou les sorties du samedi au Mammouth. Alexandre suit des cours au lycée agricole, son avenir est tout tracé, ce qui lui importe surtout c'est de passer son permis et de pouvoir emprunter la voiture paternelle pour aller raccompagner sa sœur aînée, étudiante à Toulouse, pour revoir Constanze, sa colocataire. Au cours d'une soirée, il fait la connaissance d'activistes anti nucléaires, et découvre un engagement et un combat qu'il n'aurait jamais soupçonnés…

         Serge Joncour dépeint avec justesse le milieu rural de ces années 80, et l'évolution des modes de vie et de travail. Les présidents se succèdent, le téléphone met des mois à arriver pour prendre place dans le couloir des maisons, on continue d'utiliser engrais et pesticides, l'heure est à la production de masse. Agrandir, produire sont devenus les maîtres mots de l'agriculture moderne, tandis qu'on envisage de faire passer une autoroute tout près des terres de la famille. Il y a d'abord chez Alexandre une forme de résignation face à tout ce qui arrive, puis une lente prise de conscience de ce qu'il pourrait refuser. Comme une sorte d'affranchissement qui se fait petit-à-petit. Mais au-delà du parcours initiatique du protagoniste, c'est un portrait de la France qui nous est présenté, avec ses manifestations anti nucléaires, la transformation des paysages et la multiplication des hypermarchés et des ronds-points, l'élection de Mitterrand qui avait soulevé tant d'enthousiasme, la lutte acharnée du monde agricole pour survivre, à coups de subventions, les débuts de la mondialisation… Mon seul regret, les fautes d'orthographe trouvées dans le roman, "laisser le moteur allumer", ou " Il n'avait pas vue Constanze", un peu décevantes de la part d'un écrivain chevronné comme Serge Joncour, auteur d'un roman couronné par le Fémina, et publié par une grande maison d'édition qui doit bien avoir les moyens de faire appel à des relecteurs…

 

Catégorie : Littérature française

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Posté le 13/11/2020 à 10:09